LIAM // Walk the streets like a wanted man.

Faire ses doigts valser sur les cordes était un des plaisirs dont Thomas ne pouvait se passer, et bien que la guitare électrique fusse moins chaleureuse que quand il la faisait avec la sienne, ce rafraîchissement avait toujours le même effet. Jouer cet instrument devenait chaque fois vicieux, et pourtant c'était un don dont il bénéficiait assez rarement. Au fil du temps, il avait perdu les occasions de pratiquer toutes les mélodies qu'il avait en tête. À présent qu'il se trouvait presque 'seul' en Amérique, il avait toujours un peu plus d'opportunités. Puis ici, il avait moins de tâches qu'à Liverpool. Plus de père qui lui demande de l'aide ; maintenant qu'il s'efforçait à s'intégrer dans cette société, il pouvait enfin trouver cette indépendance dont il avait rêvé depuis qu'il avait accomplit ses 18 ans. Cependant, il était conscient de ne pas être considéré adulte en Amérique, mais qu'importait ?
La guitare électrique était bien plus froide, le son était plus métallique, moins réaliste, moins doux; une sorte de son plus serré, plus satanique qu'autre chose. Bien sûr, il savait parfaitement que s'il la branchait à l'amplifcateur et s'il se mettait à tester les pédales d'effets, le son serait bien plus riche et surtout, plus puissant.
Mais jouer la chanson des Beatles avec une guitare éléctrique en premier plan était, à ses yeux, peu utile.
S'il voulait essayer toute la ravissante technologie d'une Gibson électrique, alors il aurait interêt à choisir une musique plus agitée.

Un courant d'air assez violent parcourut toute la salle quand la porte s'ouvrit. Thomas se trouvait toujours lá, à essayer continuellement toutes les cordes ; il ne se contrôlait plus, c'était son instinct qui menait ses doigts, ses mains.

" While my guitar gently weeps ". Il était certainement un peu mélancolique. D'ailleurs, la musique n'était pas choisie au hasard. Ayant une infinite admiration pour le groupe anglais des années '5o - '6o, il ne pouvait s'empêcher de travailler quelques chansons d'eux. Il y avait sans doutes aussi une autre toute petite curiosité à laquelle il aimait réfléchir : tous étaient nés à Liverpool, comme lui. C'était peut-être quelque chose de banal, d'indifférent, mais Tom rêvait parfois de pouvoir devenir une star, ou de - tout simplement, être un peu connu pour sa passion dissimulée, sa drogue secrète.

Quelqu'un rentrait, les élèves autour du piano se mirent à rire pour une de leur blague, et recommencèrent à jouer du piano en groupe. Thomas fit semblant de ne rien entendre. Malgré son coup d'oeil, il était totalement absent. Ou presque. Mais il n'était pas loin. Sa guitare classique au bois tendre était toujours posée sur la table. On s'installa quelque part autour de lui, il n'y prêtait pas vraiment d'attention.

Mais quand il y prêta, il fit une fausse note et tout son système nerveux se figea, brusqué par l'arrêt de la musique, de son plaisir, de son éternel remède. Un gars & une guitare, un crayon, un livre. Il ré-examina le tout sans trop y croire. Mais après quelques secondes, toujours aussi perplexe, il éclaircit un peu sa voix, sa gorge, et fronça un sourcil avant de prononcer son potentiel prénom. Il espérait seulement que sa mémoire - ou sa vue? - ne lui jouerait pas encore des tours !

« C'est toi, Mathis ? »

D'un irréprochable levé de tête, Thomas s'illumina d'un sourire. C'était bien son ami, le Mathis londonien de toujours !

« Putain, qu'est-ce que tu fous dans le même pays, dans le même état, dans la même université, au même moment que moi ? Rhaaa, trop heureux de te revoir mec ! »

L'idée de ne plus être si seul que ça ne pouvait que le réjouir. Le jeune ado' se sentit vibrer d'excitation (pas dans le sens 'tordu' hein) en revoyant son copain d'enfance ; toute sa mélancolie s'envola, et il se sentait capable de jouer toutes les péripécies folles & classiques des Beatles, comme " A Hard day's night " !